Souvent réduits à des figures de rente et de spéculation, les détenteurs de plusieurs biens immobiliers dessinent en réalité un paysage social bien plus nuancé qu’il n’y paraît.
Une population loin des clichés
Ce n’est pas qu’un club fermé de sexagénaires fortunés. Les multipropriétaires en France forment un ensemble bien plus diversifié qu’on ne le pense. Une étude récente de l’Insee lève le voile sur cette population à multiples visages, remettant en question les stéréotypes qui l’entourent.
Première surprise : les femmes sont presque aussi nombreuses que les hommes parmi les multipropriétaires. Elles représentent la moitié du total, même si, au sommet de l’échelle, ceux qui possèdent plus de dix biens, leur part tombe à 40 %. Quant à l’âge, il s’étale de 35 à plus de 90 ans, avec un pic autour de la soixantaine. Une période charnière où beaucoup investissent dans la pierre, à la fois pour sécuriser leur retraite et organiser leur transmission patrimoniale.
À mesure que les années passent, certains allègent leur portefeuille immobilier, que ce soit pour soutenir leurs enfants ou anticiper des dépenses liées à la dépendance. En filigrane, c’est tout le cycle de vie économique qui s’inscrit dans la trajectoire de ces propriétaires multiples.
L’argent reste un facteur déterminant
Sans surprise, le niveau de vie influe fortement sur la capacité à accumuler des biens. Le revenu médian d’un multipropriétaire atteint 30 700 euros par an, soit 25% de plus qu’un propriétaire unique. Chez les détenteurs de dix logements ou plus, il grimpe à 41 500 euros. Un différentiel qui illustre comment l’immobilier joue un rôle de levier dans la consolidation patrimoniale.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là : la géographie aussi dessine des contrastes nets. Haute-Savoie, Alpes-de-Haute-Provence, Ardèche… Certaines zones rurales ou de montagne concentrent une forte densité de multipropriétaires. À l’inverse, en Seine-Saint-Denis, ils sont nettement plus rares : à peine 12 à 13%, et plus de la moitié des bâtiments y sont vacants depuis un an ou plus.
Quand la pierre dort : l’effet pervers des logements vacants
Sur l’ensemble du territoire, 68 % des logements parisiens appartiennent à au moins un multipropriétaire. Une part importante de ces biens est dédiée à la location ou sert de résidence secondaire. Pourtant, 2,1 millions de logements restent vacants, sans perspective d’occupation à court terme. Un paradoxe, alors que la pénurie locative reste un sujet brûlant dans plusieurs grandes villes.
Cette situation nourrit un sentiment d’injustice. Mais l’Insee tempère l’idée d’une stratégie purement spéculative. Bien sûr, certains investissent avec une logique de rendement, mais beaucoup cherchent avant tout à sécuriser leur avenir, à se protéger des incertitudes économiques, et parfois même à loger leurs proches.
Face à l’encadrement des loyers ou à la réduction des incitations fiscales, les plus petits investisseurs vacillent. Pour certains, l’équation n’est plus tenable. Résultat : une possible contraction de l’offre qui pourrait, à terme, accentuer les tensions sur le marché, là même où l’on cherche à les réduire.