Mobiliser l'épargne des Français pour la défense : une idée qui divise

Mobiliser l’épargne des Français pour la défense : une idée qui divise

Epargne

Face à des défis géopolitiques grandissants, la France cherche des solutions pour financer son budget militaire. Parmi les pistes étudiées, l’idée de mobiliser l’épargne des citoyens refait surface, sous l’impulsion d’Emmanuel Macron et de son ministre des Armées, Sébastien Lecornu. Entre emprunt patriotique et réorientation de fonds comme ceux du Livret A, la stratégie soulève autant d’enthousiasme que de réserves.

Une vieille idée remise au goût du jour

L’idée d’utiliser l’épargne des Français pour financer la défense n’est pas nouvelle. Emmanuel Macron l’a évoqué lors d’échanges avec les citoyens sur la crise ukrainienne, suggérant la création de produits d’épargne spécifiques. L’objectif ? Offrir aux Français la possibilité de soutenir directement l’effort de défense, tout en renforçant un patriotisme économique.

Christophe Plassard, député et rapporteur spécial du budget de la défense, estime qu’une réaffectation partielle des fonds du Livret A pourrait être envisagée. Un argument de poids quand on sait que ce livret représente actuellement 414 milliards d’euros. Mais cette perspective inquiète certains responsables, à commencer par le ministre de l’Économie, Eric Lombard, qui craint que cela ne fragilise la liquidité du dispositif et ne détourne les épargnants.

Un emprunt national, une alternative contestée

Autre solution sur la table : un emprunt national. L’Etat a déjà utilisé ce levier par le passé, notamment durant les deux guerres mondiales, pour mobiliser des fonds rapidement. L’idée serait d’encourager les Français à investir dans la défense par l’achat d’obligations spécifiques, avec la promesse d’un rendement attractif. Une stratégie qui pourrait renforcer le lien entre les citoyens et l’effort national.

Toutefois, les obstacles sont nombreux. Lors de la crise économique de 2023, un emprunt proposé par l’Etat n’avait pas suscité l’adhésion espérée, faute de garanties suffisantes sur l’utilisation des fonds. Pour convaincre, il faudra assurer une totale transparence et proposer des incitations financières solides.

Quel impact sur l’économie et les institutions financières ?

Si la France veut porter son budget militaire de 2 % à 5 % du PIB, l’effort budgétaire serait colossal : environ 90 milliards d’euros, soit l’équivalent d’un tiers des dépenses de santé. Une question se pose donc : quels secteurs devront réduire la voilure pour financer cette ambition ?

Les banques et compagnies d’assurances, qui gèrent une partie de l’épargne des Français, devront aussi s’adapter. Maya Atig, directrice générale de la Fédération bancaire française, met en garde : le problème n’est pas l’accès au crédit, mais la capitalisation. Orienter l’épargne vers la défense pourrait créer des déséquilibres dans le financement d’autres secteurs stratégiques.

Une participation citoyenne sous conditions

Au-delà des chiffres, l’enjeu est aussi symbolique : engager l’épargne des Français revient à les inviter à participer activement à l’effort national. Une dynamique qui rappelle les grandes collectes publiques d’antan, mais qui devra naviguer entre contraintes administratives, réticences institutionnelles et acceptation populaire.

L’adhésion à ce projet ne pourra se faire sans une communication transparente et des garanties concrètes sur l’utilisation des fonds. En clair, pour que les Français acceptent de mettre la main à la poche, l’Etat devra leur prouver que cet effort en vaut vraiment la peine.