Acheter un logement neuf à prix réduit sans posséder le terrain : le principe du BRS séduit de plus en plus de communes, sans encore trouver l’écho qu’il mérite auprès du grand public.
Une dissociation qui change la donne
Et si devenir propriétaire ne passait plus par l’achat d’un terrain ? C’est le pari du bail réel solidaire (BRS), un dispositif qui dissocie foncier et bâti pour alléger drastiquement la facture immobilière. Le principe est simple : l’acheteur devient propriétaire des murs, mais reste locataire du sol, détenu par un Office foncier solidaire (OFS), à qui il verse une redevance modique.
Résultat : des prix jusqu’à deux fois moins élevés dans certaines villes, comme Rennes. De quoi ouvrir l’accession à la propriété à des ménages jusqu’ici exclus du marché traditionnel. Inspiré du bail emphytéotique en vigueur au Royaume-Uni, le BRS trace une nouvelle voie pour les collectivités confrontées à la flambée des prix.
Rennes montre la voie
La capitale bretonne est devenue une référence nationale en matière de BRS. Face à une croissance démographique soutenue, l’intercommunalité a fixé un objectif de 5 000 logements par an, dont près d’un tiers en BRS. Une ambition qui s’accompagne de moyens : plusieurs millions d’euros sont mobilisés chaque année pour soutenir le programme.
À Rennes et dans sa métropole, près de 90 % des locataires sont éligibles au dispositif. Une statistique frappante qui illustre la capacité du BRS à toucher un large spectre de la population, notamment les classes moyennes. Le modèle breton inspire désormais d’autres villes, bien décidées à en faire un levier d’action contre la crise du logement.
Un outil encore trop confidentiel
Mais malgré ses atouts, le bail réel solidaire reste largement méconnu. Une étude en Île-de-France révèle que seule la moitié des acquéreurs en BRS avaient découvert le dispositif via une annonce. Le bouche-à-oreille et les recherches personnelles restent les principaux vecteurs d’information.
Pour Claire Carriou, enseignante-chercheuse spécialisée en habitat, le BRS est souvent perçu comme une solution de dernier recours. Faute de pouvoir acheter en pleine propriété, certains ménages acceptent ce compromis, sans forcément en mesurer les bénéfices à long terme. Une meilleure communication s’impose pour faire du BRS une alternative choisie plutôt qu’une option subie.
Une expansion attendue, mais conditionnée
Le mouvement est en marche. Nouvelle-Aquitaine, Auvergne-Rhône-Alpes, Île-de-France… Plusieurs régions accélèrent la cadence pour déployer le BRS. Le réseau Foncier Solidaire France mise sur cette dynamique pour démocratiser l’approche dans les zones les plus tendues.
Mais pour que la greffe prenne, encore faut-il que les élus locaux, les promoteurs et les bailleurs jouent collectif. La réussite du BRS dépend autant de la volonté politique que de la pédagogie menée sur le terrain. Sans ça, le dispositif risque de rester cantonné à une poignée de territoires pionniers.
Une réponse sociale et durable
Le bail réel solidaire ne se contente pas de réduire les prix : il redessine en profondeur le modèle d’accession à la propriété. En ciblant les ménages modestes et intermédiaires, il renforce la stabilité résidentielle, favorise la mixité sociale et redonne du souffle aux zones urbaines sous tension.
Côté économique, il stimule l’activité dans la construction, favorise les coopérations locales et incarne une nouvelle manière de produire la ville, plus inclusive et plus résiliente. Le tout, sans faire l’impasse sur les impératifs écologiques : les logements en BRS respectent des normes environnementales élevées, en ligne avec les enjeux actuels.Alors, simple dispositif parmi d’autres ou pierre angulaire du futur de la propriété ? Si sa montée en puissance se confirme, le BRS pourrait bien devenir un pilier discret mais décisif d’un immobilier plus accessible.